EXPOSÉS À TOUS LES RISQUES
Ils risquent détention, viol, travail forcé, violences physiques ou même la mort, et malgré tout cela des dizaines de milliers d’enfants, dont un grand nombre ne sont pas accompagnés d’adultes ou sont séparés de leur famille, entreprennent le périlleux voyage des réfugiés et des migrants qui espèrent trouver la sécurité et une vie meilleure en Europe. Ils fuient la violence et les brutalités, une misère abjecte, les conséquences de la sécheresse, des mariages forcés à un âge précoce, des souffrances sans nom ou le manque de perspectives d’avenir et d’espoir qui règnent dans des dizaines de pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient. « Nous ne devrions jamais perdre de vue ce qui pousse tant de familles à prendre de tels risques dans l’espoir de trouver asile en Europe. Et nous ne devrions jamais oublier que ces enfants en déplacement sont d’abord et avant tout des enfants, qui ne sont en rien responsables de leur sort tragique, et qu’ils ont sans réserve le droit à une vie meilleure, » explique Marie-Pierre Poirier, Coordinatrice spéciale de l’UNICEF pour la crise des réfugiés et des migrants en Europe. Du conflit brutal qui déchire la Syrie depuis cinq ans ou des terres ravagées par la sècheresse de Somalie jusqu’aux précaires embarcations qu’ils empruntent et aux sordides camps improvisés où ils se retrouvent, chaque pas de ce voyage est lourd de dangers, dangers encore plus menaçants pour plus d’un enfant sur quatre qui se déplace sans être avec un parent ou un adulte pour le protéger.
La route de migration de Méditerranée centrale
Au cours des dernières semaines, c’est la traversée d’Afrique du Nord en Italie qui est devenue l’itinéraire le plus utilisé. Le bilan des victimes s’y élève à 2427 du 1er janvier au 5 juin 2016, comparé à 1786 pour les six premiers mois de 2015.
Et le nombre d’enfants non accompagnés qui font la traversée notoirement dangereuse de la Méditerranée centrale a plus que doublé au cours des cinq premiers mois de 2016, par comparaison avec la même période de 2015 pour atteindre le chiffre de 7000, rapporte l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les enfants non accompagnés constituaient plus de 92 % des 7567 enfants qui ont fait la traversée par mer vers l’Italie entre le 1 er janvier et le 31 mai 2016.
En grande partie en raison des risques et des difficultés énormes qu’il présente, cet itinéraire est utilisé par comparativement peu de familles, les hommes adultes représentant jusqu’à 70 % d’approximativement 28 000 arrivées au cours de cette période.
Les passeurs – organisateurs des filières d’immigration clandestine – entassent fréquemment les réfugiés et les migrants sur des bateaux de pêche à peine en état de naviguer, ou dans de canots pneumatiques équipés de moteurs peu fiables, et souvent sans la quantité de carburant nécessaire pour atteindre l’Europe. On a rapporté de nombreux cas de passeurs quittant l’embarcation à la limite des eaux territoriales libyennes – abandonnant leur cargaison humaine à la dérive – afin d’éviter d’être arrêtés par les forces de sécurité européennes.
Et maintenant que s’ouvre la saison d’été des migrations à travers la Méditerranée, ces chiffres risquent d’augmenter au cours des prochains mois. Il y a actuellement 235 000 réfugiés et migrants en Libye , et environ 965 000 dans les pays du Sahel, un grand nombre d’entre eux – sinon la plupart – espérant faire le voyage vers l’Europe. Au cours de la seule dernière semaine de mai 2016, on en a compté plus de 16 500 qui partaient pour la Libye d’Agadez au Niger, un des grands itinéraires empruntés par les migrants.
Pour un grand nombre de ces réfugiés et de ces migrants, se noyer n’est que l’un des nombreux risques auxquels ils font face au cours de leur voyage qui peut leur faire parcourir plusieurs milliers de kilomètres, franchir des montagnes, traverser des déserts et des régions en proie à la violence. Ils risquent d’être victimes de déshydratation, d’être enlevés, dévalisés, violés ou soumis à des actes d’extorsion, ainsi que d’être tabassés ou détenus par les autorités ou des milices.
Les enfants non accompagnés et séparés de leur famille sont particulièrement exposés au risque d’être victimes de mauvais traitements et d’exploitation, notamment de la part des passeurs auxquels ils font appel – comme les autres réfugiés et migrants – pour arriver en Europe.
Pratiquement tous les enfants qui arrivent sur l’île italienne de Lampedusa ou en Sicile ont une histoire terrifiante à raconter. Des enfants comme Omar , qui a fui la Somalie à l’âge de 16 ans quand un groupe armé l’a menacé de le tuer parce qu’il refusait de rejoindre leurs rangs. Quand il est finalement parvenu en Libye, les passeurs ont exigé encore plus d’argent, l’ont emprisonné et battu jusqu’à ce que sa famille lui envoie les fonds nécessaires. Il dit qu’il peut à peine se rappeler de son voyage en bateau, mais qu’il se souvient bien d’avoir vu des gens se noyer quand l’embarcation a commencé à couler, et ensuite l’apparition bienvenue d’un bateau de secours italien.
Certains migrants, particulièrement ceux d’Afrique subsaharienne, financent leur voyage en le payant au fur et à mesure de leur déplacement, s’arrêtant fréquemment en cours de route pour travailler quelques jours, quelques semaines ou quelques mois pour pouvoir payer leurs passeurs.
Ces migrants sont ceux qui sont les plus exposés à se retrouver bloqués quelque part et victimes de mauvais traitements.
« Si vous essayez de vous enfuir, ils vous tirent dessus et vous êtes mort. Si vous arrêtez de travailler, ils vous battent. C’était exactement comme l’esclavage, » raconte Aimamo, 16 ans, de la ferme en Libye où lui et son frère jumeau ont travaillé deux mois pour payer les passeurs. « Une fois, je me reposais simplement pour cinq minutes et un homme m’a battu à coups de canne. Après le travail, ils vous enferment. » Au début de leur arrivée en Libye – après leur long voyage de Gambie à travers le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso et le Niger – les deux frères racontent qu’ils ont été arrêtés et battus avant qu’un des passeurs ne les fasse libérer.
Il y a de fortes indications que cette crise de migration est exploitée par les réseaux criminels de trafics d’êtres humains qui ciblent les migrants les plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants. La forte augmentation du nombre de femmes et de filles en provenance du Nigeria qui quittent la Libye pour l’Italie soulève des inquiétudes, l’OIM estimant que 80 % d’entre elles sont victimes de la traite des êtres humains.
Des travailleurs sociaux italiens déclarent que filles aussi bien que garçons sont victimes de violences sexuelles et sont forcés de se prostituer en Libye, et que certaines des filles étaient enceintes quand elles sont arrivées en Italie, ayant été victimes de viol.
Mais étant donné le caractère illicite des opérations de traite des êtres humains, il n’existe pas de chiffres fiables sur le nombre de réfugiés et de migrants qui meurent, qui disparaissent contraints au travail forcé ou à la prostitution, ou qui dépérissent en détention.
« C’est terriblement injuste pour ces enfants qui ont fui d’horribles situations de guerre et de violence d’avoir ensuite à endurer des voyages aussi difficiles, » juge Marie-Pierre Poirier.
La route de migration de Méditerranée orientale
L’année dernière, la vaste majorité des réfugiés et des migrants qui sont arrivés sur les rivages de l’Europe étaient Syriens, Afghans ou Iraquiens et avaient traversé la Turquie avant d’arriver en Grèce par bateau. Mais leur nombre a spectaculairement chuté après la fermeture des frontières dans les Balkans en mars 2016, et à la suite de la mise en œuvre le même mois de l’accord Turquie-Union européenne qui prévoit de renvoyer des réfugiés et des migrants en Turquie.
En octobre 2015, certaines journées ont vu jusqu’à 7000 réfugiés et migrants débarquer sur les côtes grecques. La moyenne quotidienne est tombée à 47 en mai 2016. Parallèlement, des milliers d’enfants et de familles se sont retrouvées bloquées, sans savoir si elles allaient être renvoyées d’où elles venaient, ou si elles pourraient finalement poursuivre leur voyage. Au 1er juin 2016, le nombre de réfugiés et de migrants ainsi bloqués – principalement en Grèce, mais aussi en Hongrie et dans les pays des Balkans – se montait à un total de presque 58 000 personnes. Un grand nombre poursuivent néanmoins leur voyage avec l’aide de passeurs, ce qui les expose à des risques encore plus élevés.
De nombreux enfants, particulièrement ceux qui sont non accompagnés ou séparés de leur famille, sont victimes des failles des dispositifs de demande d’asile qui sont dépassés, lents, et qui manquent de cohérence. Trop souvent les enfants sont mis derrière des barreaux – dans des centres de détention ou détenus par la police – en raison d’un manque de places dans les centres de protection de l’enfance et de capacités limitées pour identifier d’autres solutions. Les procédures suivies pour répondre à une demande d’asile de la part d’un enfant sont habituellement complexes et très longues – elles peuvent prendre jusqu’à deux ans dans certains pays – et les procédures de réunification des familles peuvent être d’une lenteur similaire. Le résultat est que les enfants passent souvent de longues périodes dans des centres sociaux, incertains de ce que leur réserve l’avenir, et un grand nombre d’entre eux ont été privés de scolarité depuis des mois, sinon des années.
« La vie de ces enfants est suspendue pour ce qui doit leur sembler une éternité ; leurs aspirations à l’éducation, leurs espoirs d’avenir paralysés par l’incertitude, » ajoute Marie-Pierre Poirier.
La peur d’être empêchés de poursuivre leur voyage, la méfiance envers les autorités ou les longs délais exigés par le traitement de leur dossier poussent de nombreux enfants non accompagnés à éviter de se faire enregistrer, ou à fuir des centres de réception des réfugiés.
Avec presque 406 000 enfants et sur un total de près de 1,4 million de demandeurs d’asile, il n’y a pas de moyen de rendre clairement compte de la situation d’environ 96 000 mineurs non accompagnés qui ont présenté des demandes d’asile en Europe en 2015 –– et on peut craindre que certains d’entre eux aient été la proie de gangs criminels.
SE FIXER ET S’ADAPTER
Les enfants qui ont finalement atteint leur destination doivent souvent entreprendre un nouveau et difficile voyage, un voyage d’adaptation et d’intégration – ou de rapatriement au cas où leur demande d’asile est rejetée.
L’importance de l’échelle de cette crise a déjà soumis à une forte pression les systèmes de bien- être social des pays d’accueil, en dépit des efforts engagés à tous les niveaux de la société pour aider à y faire face. En décembre 2015 par exemple, un rapport du gouvernement allemand et de l’UNICEF concernant la situation des enfants arrivés en Allemagne avec leur famille a montré que ces enfants sont vulnérables à des risques de violence, de mauvais traitements et d’exploitation, particulièrement dans les centres de réception et d’accueil temporaire des réfugiés. Pendant qu’ils attendent que leur demande d’asile soit traitée – ce qui peut prendre des mois – les réfugiés et les migrants sont souvent hébergés dans des salles de sport, d’anciennes casernes ou d’autres types d’abri temporaire. Les enfants hébergés dans ces lieux n’ont pas toujours accès au système scolaire normal, à un soutien psychosocial adéquat ou à des activités récréatives régulières.
De nombreux citoyens ordinaires ont ouvert les bras – et parfois leur maison – aux réfugiés, mais ces nouveaux arrivants ont aussi parfois eu à faire face à des attaques xénophobes, à des discours haineux et à la stigmatisation. Cela peut susciter un sentiment d’aliénation et d’exclusion sociale, particulièrement parmi des enfants qui s’efforcent déjà de s’adapter à la langue et à la culture locale. En Allemagne, la police fédérale a fait état de 45 incendies criminels contre des centres de réfugiés de janvier à la mi-mai 2016.
« Ces enfants en déplacement ont été victimes de la guerre, de persécutions et de privations et entrepris de terribles voyages. Même quand ils ont atteint sécurité relative de leur destination, ils ont toujours besoin de protection, d’éducation, de soins de santé et de soutien psychosocial. Nous devons rester à leurs côtés, » affirme Madame Poirier.
LES ENFANTS DOIVENT ÊTRE PROTÉGÉS
Des centaines de milliers d’enfants réfugiés et migrants ont trouvé le moyen de parvenir en Europe, et de nombreux autres sont en ce moment même en chemin. Ils font tous face à chaque étape de leur voyage à d’énormes risques – la mort, le viol, les attaques, la détention, le travail forcé. Chacun de ces enfants sans exception a besoin de protection et de bénéficier de l’intégralité des droits qui lui sont garantis par la Convention relative aux droits de l’enfant. Tous les pays – ceux qu’ils quittent, ceux qu’ils traversent et ceux où ils demandent le droit d’asile – ont le devoir de les protéger. Dans l’Union européenne, des réformes des politiques et des législations en vigueur devraient viser à offrir la possibilité d’utiliser des voies d’accès sûres, légales et régulières aux réfugiés et aux migrants, à renforcer les garanties légales pour les enfants et à améliorer les procédures permettant de réunir les enfants avec les membres de leur famille. Les règles de regroupement familial existantes doivent être interprétées dans le sens le plus large et assouplies afin de répondre aux besoins humanitaires de ces enfants.
« Nous ne devons jamais perdre de vue le caractère humain de la présente crise. Et nous ne devrions jamais perdre de vue les enfants qui en sont victimes. Les protéger est une exigence absolue, » déclare Marie-Pierre Poirier.
À travers le monde, presque un enfant sur 10 vit dans un pays ou une région où sévit un conflit armé, et plus de 400 millions d’entre eux vivent dans une pauvreté extrême. Si ces causes fondamentales de migration ne sont pas traitées et mises au rang de priorité mondiale, il en résultera des déplacements sans fin d’enfants à la recherche d’une vie meilleure. Investir en faveur des enfants et des jeunes, particulièrement des plus vulnérables, doit être une priorité si l’on veut mettre fin au cycle de la pauvreté et aux conflits qui poussent tant de populations à fuir leur pays.
Ce sont là les défis que nous avons tous le devoir de relever.
LE PLAN EN SEPT POINTS DE L’UNICEF POUR LES ENFANTS RÉFUGIÉS ET MIGRANTS
1. LES ENFANTS DOIVENT ÊTRE PROTÉGÉS CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS ET L’EXPLOITATION
2. EN AUCUNE CIRCONSTANCE DES ENFANTS NE DOIVENT ÊTRE ENFERMÉS SIMPLEMENT PARCE QU’ILS SONT RÉFUGIÉS OU MIGRANTS
3. LES ENFANTS NE DOIVENT PAS ÊTRE RENVOYÉS DANS LEUR PAYS D’ORIGINE S’ILS Y FONT FACE À DE SÉRIEUX DANGERS OU AU RISQUE D’ÊTRE TUÉS
4. CES ENFANTS DOIVENT AVOIR ACCÈS AUX SERVICES COMME LA SANTÉ ET L’ÉDUCATION
5. LES ENFANTS NON ACCOMPAGNÉS OU SÉPARÉS DE LEUR FAMILLE DOIVENT ÊTRE MIS EN SÉCURITÉ. LA RÉUNIFICATION DES FAMILLES EST SOUVENT LE MEILLEUR MOYEN D’Y PARVENIR.
6. L’INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L’ENFANT DOIT ÊTRE UNE CONSIDÉRATION ESSENTIELLE DANS TOUTES LES DÉCISIONS CONCERNANT CET ENFANT
7. DES VOIES DE MIGRATIONS LÉGALES, SÉCURISÉES ET VIABLES, DOIVENT ÊTRE MISES EN PLACE AU NIVEAU MONDIAL
PRINCIPES CLÉS
· L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération essentielle dans toutes les décisions le concernant. Quel que soit leur statut migratoire, les enfants sont des enfants. Leurs droits sont garantis par la Convention relative aux droits de l’enfant dont tous les pays européens sont signataires.
· Toute demande d’asile, ou toute demande d’autre forme de protection humanitaire présentée par un enfant doit être prise en compte objectivement selon ses mérites – même quand l’enfant la présente en compagnie de ses parents – et en tenant dûment compte de son âge et de son sexe. Les demandes d’asile présentées par des enfants doivent être traitées de manière prioritaire, le transfert des demandes d’asile traitées dans les trois mois. Le droit d’appel contre les décisions prises doit être garanti et les enfants autorisés à rester en Europe et à bénéficier d’une aide légale au cours de la procédure concernée.
· Aucun enfant ne doit être détenu en raison de son statut migratoire ou de celui de ses parents ou des adultes qui l’accompagnent. Des solutions autres que la détention ou la retenue en milieu fermé – familles d’accueil, autonomie supervisée soumise à des obligations de contrôle – doivent être mises en place d’urgence.
· Le principe de « non-refoulement » interdit de renvoyer une personne dans un pays où elle risque de subir des persécutions ou d’être victime de graves violations de ses droits humains. En fonction de ce principe, des enfants ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d’origine s’ils y font face à des risques de torture, de détention, de recrutement forcé, de mariage précoce, d’excision/mutilation génitale féminine, d’être victimes de la traite des êtres humains ou d’exploitation. Des précautions supplémentaires doivent être prises en ne prenant pas seulement en compte les risques, mais également l’intérêt supérieur de l’enfant, et pour savoir si les conditions existent pour assurer un développement sain de l’enfant.
· Tous les efforts possibles doivent être faits pour réunir les enfants séparés de leur famille avec celle-ci en Europe quand c’est dans le meilleur intérêt de l’enfant concerné, en tenant compte du fait que pour un grand nombre de ces enfants la conception des liens familiaux dépasse les étroites définitions des lois européennes. Pendant la période où ils sont non accompagnés ou séparés de leur famille, ces enfants doivent avoir accès à un tuteur professionnel qui puisse s’occuper de leur bien-être, de leur représentation légale et de leur intérêt supérieur.
· Tous les enfants doivent avoir accès aux services essentiels, ceux qui assurent soins de santé, hygiène et éducation, et ils doivent être protégés contre la traite des êtres humains et l’exploitation conformément aux lois internationales et européennes,
L’ACTION DE L’UNICEF
L’UNICEF est actif dans tous les pays que les réfugiés et les migrants quittent et où l’organisation travaille à protéger les enfants contre la brutalité des conflits, à plaider en faveur de l’élimination des inégalités et à donner à tous les enfants une chance égale dans la vie, spécialement aux plus désavantagés. L’organisation assure des services d’importance vitale pour les enfants comme la fourniture d’eau et d’équipements d’assainissement, ainsi que des soins de santé, des services d’éducation et de protection de l’enfance.
L’UNICEF répond à la présente crise en combinant action de plaidoyer, assistance technique aux gouvernements, renforcement des capacités et de la prestation de services en Turquie, en Grèce, dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, en Serbie, en Croatie, en Bulgarie, en Slovénie et en Allemagne. L’organisation a aussi conclu des accords officiels pour élargir son soutien opérationnel aux enfants et aux femmes en Italie.
Entre autres activités, l’UNICEF :
· Travaille avec les gouvernements et ses partenaires, dont l’Union européenne, pour améliorer les normes, les systèmes, les politiques et les pratiques dans le domaine de la protection de l’enfance afin de faire de l’intérêt supérieur de l’enfant le principe primordial pour le traitement des cas complexes qui se rapportent à cette question.
· A apporté son soutien aux enfants et aux familles le long des routes de migration qu’ils empruntent vers leur destination finale. L’organisation a installé des endroits réservés aux mères et aux enfants et des espaces accueillants aux enfants où ceux-ci peuvent se reposer de leurs déplacements, jouer, recevoir un soutien psychosocial, avoir accès à des services spécialisés de protection de l’enfance et bénéficier d’orientation vers des services de soins de santé spécifiques. À la suite de l’accord frontalier UE-Turquie et à la fermeture des frontières, les activités se sont concentrées sur les populations bloquées ne pouvant pas poursuivre leur voyage et à leurs besoins à plus long terme comme ceux qui relèvent de la santé, de la nutrition et de l’éducation.
· A aidé à former les membres des équipes de premiers secours, les travailleurs sociaux et ses homologues gouvernementaux au traitement des questions de protection de l’enfance.
· Contribue à livrer des fournitures nécessaires, dont du matériel pour la construction d’abris, des vêtements, des aliments adaptés aux enfants de différents âges et des berceaux pour les bébés.
· Plaide pour la promotion et la protection des droits de tous les enfants réfugiés et migrants sans discrimination prenant prétexte de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents.
· Suit attentivement la situation des droits de l’enfant et les effets des nouvelles politiques et pratiques mises en place.
· Collabore avec les communautés d’accueil pour lutter contre la xénophobie et promouvoir l’inclusion sociale.
COUP D’OEIL SUR QUELQUES FAITS :
· Arrivées par mer en 2015 : 1 015 078, dont 265 388 enfants.
· Arrivées par mer du 1er janvier au 9 juin 2016 : 206 985, dont 35 % d’enfants.
· Demandes d’asile en 2015 en Europe : Total : 1 392 655. Enfants : 405 955, dont enfants non accompagnés : 95 970.
· Demandes d’asile en 2015 en Europe de janvier à avril 2016 : Total 348 580. Enfants : 95 080.
· Morts en mer en 2015 : Méditerranée centrale : 2 892; Méditerranée orientale : 806, Méditerranée occidentale : 72
· Morts en mer de janvier à mai 2016 : Méditerranée centrale : 2 061; Méditerranée orientale : 376, Méditerranée occidentale : 6.
Quelques-uns des pays d’origine des réfugiés et des migrants
Syrie
Cinq années de conflit ont entraîné de dures souffrances pour les enfants. On estime que 8,4 millions d’enfants – plus de 80 % de la population enfantine de Syrie – sont touchés par le conflit, soit à l’intérieur du pays ou comme réfugiés dans les pays voisins. Environ 3,7 millions d’enfants syriens sont nés depuis le début du conflit, et ils ont donc grandi sous le signe de la violence, de la peur et des déplacements. Des enfants n’ayant pas plus de sept ans sont recrutés par des forces armées et par des groupes armés. Plus de 15 500 enfants non accompagnés ou séparés de leur famille ont traversé les frontières de la Syrie. L’UNICEF estime qu’en Syrie même, plus de 2,1 millions d’enfants syriens sont déscolarisés, ainsi que 700 000 autres dans les pays voisins.
Afghanistan
Quelque 35 années d’un conflit prolongé, combiné à des catastrophes naturelles, ont sévèrement compromis la survie et les moyens d’existence des Afghans, particulièrement des enfants et des femmes. On estime que plus de 8 millions de personnes sont touchées par le conflit, dont 4,6 millions d’enfants. En 2015, plus de 2800 enfants ont été tués ou blessés dans ces violences – environ un quart du total des victimes civiles. Les enfants sont aussi recrutés, principalement par les groupes armés, mais aussi par la police et l’armée17. Dans les zones non contrôlées par le gouvernement, de nombreux enfants sont privés de services de santé élémentaires, et la couverture du traitement de la malnutrition chronique se limite à 30 %.
Iraq
Après des années de violence et de conflit, environ 10 millions d’Iraquiens – un tiers de la population totale – dépendent de l’aide humanitaire. Plus de la moitié d’entre eux sont des enfants. Près de 3,2 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et un grand nombre ont besoin d’abris, de nourriture, de combustibles, de services médicaux et d’accès à une eau potable et salubre et à des installations sanitaires. Alors que l’escalade de la violence continue à travers le pays, on rapporte des cas d’exécutions de masse, de violences sexuelles, y compris par des viols et des tortures, et l’utilisation d’enfants comme boucliers humains.
Nigeria
Près de la moitié de la population vit dans la pauvreté18 , la grande majorité dans le Nord du pays. Le Nigeria est le pays d’Afrique qui compte le plus grand nombre d’épouses-enfants, avec 23 millions de filles et de femmes qui ont été mariées dans leur enfance. Les insurgés de Boko Haram ont provoqué la fuite de plus de 2,3 millions de personnes qui ont abandonné leur domicile au Nigeria et dans les pays voisins, on compte parmi eux au moins 1,3 million d’enfants. Des enfants sont tués, mutilés et enlevés. En 2015, 44 enfants, pour la plupart des filles, ont été utilisés dans des attaques-suicides au Nigeria et dans les pays voisins. Les garçons sont forcés d’attaquer leur propre famille pour prouver leur loyauté à Boko Haram ; les filles, elles, sont exposées à de graves mauvais traitements, y compris des violences sexuelles et elles sont forcées d’épouser des insurgés. Plus de 670 000 enfants sont toujours privés d’éducation. On rapporte également des cas d’enfants détenus à la suite d’opérations de contre-terrorisme.
Somalie
Plus de deux décennies de conflit, d’insécurité et de sécheresse ont laissé 4,9 millions de personnes – sur une population de presque 11 millions – dépendantes d’une aide humanitaire et d’assistance pour renforcer leurs moyens d’existence. La plupart vivent dans le Centre et le Sud de la Somalie, régions ravagées par les conflits et où l’insécurité gêne l’accès de l’aide humanitaire. Dans le Nord, la sécheresse a mis les communautés de la région au bord du désastre. Plus de 300 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë, il pourrait y avoir jusqu’à 5000 enfants et jeunes dans les rangs des groupes armés, et 1,7 million d’enfants ne sont pas scolarisés. Il reste plus de 2 millions de Somaliens déplacés dans la région, 1,1 million dans leur propre pays et plus de 967 000 à titre de réfugiés dans les pays voisins.
République islamique de Gambie
Un des plus petits pays d’Afrique, la République islamique de Gambie souffre d’insécurité alimentaire permanente. Des taux de pauvreté élevés – proches de 50 % 19 – font que la population est particulièrement vulnérable aux catastrophes naturelles qui frappent ce pays à faible revenu – sécheresses, inondations, ouragans, invasions d’insectes nuisibles et épidémies. En avril 2016, on estimait que 427 000 personnes, sur une population d’environ 2 millions20 , étaient victimes d’insécurité alimentaire. Environ 59 000 enfants souffraient de malnutrition aiguë modérée et 11 000 de malnutrition aiguë sévère21 .
Voix d’enfants
Peace, 17 ans, originaire du Nigeria
Devenue orpheline en 2012 à la suite d’un accident de voiture, Peace, 17 ans, vivait à Benin City au Nigeria avec une tante, parente pauvre qui décida de la marier à un homme de 40 ans. « Cet homme m’a emmenée chez lui et a fait de moi sa servante. J’ai dit à ma tante, ‘il est plus vieux que mon père,’ mais elle a répondu que si je n’épousais pas cet homme elle m’empoisonnerait. C’est alors que je me suis échappée. Je n’ai rien emporté, j’avais juste mon chemisier et les vêtements que je portais. » Elle s’est d’abord rendue à Agadez au Niger, un point de transit pour les migrants qui se dirigent vers l’Europe. De là, des passeurs l’ont emmenée en Libye à travers le désert. « Il y a tant de gens qui sont morts dans le désert. Nous avons vu des cadavres, des squelettes. » Peace raconte que quand elle a finalement atteint Sabratha – un des principaux points d’embarquement en Libye pour la traversée vers l’Italie – elle a été enfermée avec d’autres dans une maison sans fenêtre pendant des semaines. « Les Libyens qui nous retenaient ne voulaient pas nous laisser sortir. Nous n’avions pas d’eau, pas de vêtements de rechange, pas assez à manger, raconte-t-elle, et elle ajoute, « il y avait des combats dehors, je pouvais entendre des coups de feu et j’avais peur tout le temps. » Un jour, poursuit-elle, tout le monde s’est mis à courir vers un bateau. Pendant la traversée, plusieurs personnes sont tombées par-dessus bord et se sont noyées, d’autres à l’intérieur de l’embarcation perdaient connaissance et mouraient. « J’étais même assise avec des cadavres et j’avais peur. » Peace attend maintenant une audition pour sa demande d’asile et habite à la maison l’Arc-en-ciel – un centre administré par le gouvernement italien en Sicile qui fournit abri, nourriture et aide légale aux enfants réfugiés et migrants non accompagnés. Étendue sur la couchette d’un lit superposé, elle se remémore les horreurs de son voyage. « J’aurais aimé que mes amis me disent comme c’était difficile. J’aurais continué à souffrir au Nigeria. »
Aboubacarr, 16 ans, originaire de Gambie
Aboubacarr, 16 ans, originaire de la République islamique de Gambie, espère devenir footballeur professionnel. Pour le moment, il se trouve dans un centre administré par le gouvernement italien en Sicile pour accueillir les enfants non accompagnés. Parvenir jusqu’ici lui a pris huit mois. « J’ai passé longtemps à faire ce voyage, raconte-t-il. Car je n’avais pas d’argent. Je faisais un bout de chemin, je m’arrêtais, un bout de chemin, un arrêt, un bout de chemin, un arrêt. » Après la mort de son père en 2009, la famille a eu des difficultés à joindre les deux bouts. « Ma famille a souffert après la mort de mon père… comme il était mort, je ne pouvais plus aller à l’école, et souvent nous ne pouvions même pas nous acheter de quoi manger. » Aboubacarr a finalement décidé de tenter sa chance en Europe et il est parti sans avertir sa mère. « Je suis parti avec seulement les vêtements que j’avais sur le dos – j’avais entendu dire qu’aux points de contrôle, et particulièrement à la frontière libyenne, ils vous prennent tout ce que vous avez. Si j’avais pu emporter quelque chose, j’aurais emporté mes chaussures de foot et mon maillot. » Son voyage par voie terrestre lui a fait traverser le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, et il est finalement arrivé en Libye. « J’ai voyagé sans passeport, juste un certificat de vaccination. J’ai traversé des frontières, mais on ne m’a jamais demandé de pièce d’identité, juste de l’argent. Les prix variaient, au Burkina c’était 15 000 francs CFA (environ 25 USD), au Mali 20 000 francs CFA (30 USD). » Il explique qu’il était « très difficile de survivre. Ils tuaient des gens et j’ai souffert pendant quatre mois. » Aboubacarr, qui avait 15 ans à l’époque, a fait divers petits boulots, y compris de la maçonnerie et la plonge. « J’ai travaillé en Lybie jusqu’à ce que j’aie gagné 500 dinars (395 USD) et puis j’ai pris un bateau. C’était très dangereux sur tous les bateaux. Nous étions vraiment entassés les uns sur les autres. La première fois que je suis parti par mer, ils m’ont pris et m’ont envoyé en prison. Je me suis cependant échappé et j’ai pris un second bateau, cette fois nous avons été sauvés par les militaires norvégiens. Ils nous ont donné à manger et à boire et des vêtements neufs…. Quand j’ai appelé ma mère, ça faisait cinq mois. J’ai dit, ‘je suis en Italie’. Et elle ne pouvait pas croire que j’étais ici. Elle pleurait et elle criait. Il y a tant de gens qui sont allés en Lybie et qui ont disparu, leur famille n’entend plus jamais parler d’eux. Alors ma mère pensait que j’étais mort. Je me suis mis à pleurer quand j’ai entendu sa voix. J’étais tellement heureux, et triste en même temps, » raconte Aboubacarr qui conclut, « je suis venu en Europe et j’ai quitté l’Afrique. »
Sajad, 15, originaire d’Iraq
« Je pensais que nous allions mourir en mer pendant le voyage, » raconte Sajad Al- Faraji, 15 ans, mais il ajoute que maintenant, « chaque jour, c’est bien comparé à ça. » Sajad et sa famille ont fui l’Iraq et sont parvenus en Autriche en novembre 2015 après un long et difficile voyage à travers la Méditerranée et les Balkans. Ils sont maintenant dans un hôpital désaffecté à Vienne qui accueille des milliers de réfugiés et de migrants qui attendent que leur demande d’asile soit examinée. « Nous avons été à la police et ils ont pris nos empreintes digitales et ils nous ont donné une carte blanche et une carte verte, » explique Houda, la sœur de Sadjad qui a 25 ans. « La carte verte est pour les hôpitaux et pour l’école, c’est très nécessaire, et la carte blanche veut dire que nous n’avons pas été refoulés, alors c’est une très bonne carte. Maintenant, nous attendons une lettre des autorités pour un entretien. » Sajad aimerait aller à l’école comme Zein, son frère de 14 ans qui a plaidé sa cause pendant quatre mois avant d’être finalement admis dans un cours de langue. Il y a quelques mois, Sajad, qui est paralysé au-dessous de la taille depuis qu’il est bébé, est tombé d’une chaise et s’est cassé une jambe. Il a passé les six semaines suivantes à l’hôpital. Cette chute, dit-il, a été d’autant plus frustrante qu’il y avait au moment même une place libre dans une école spécialisée pour les enfants handicapés. « Je veux apprendre la langue, trouver une solution médicale pour mes jambes. Mon rêve, c’est d’être capable de marcher. »
Ibrahim, 17ans, originaire d’Afghanistan
Orphelin de 17 ans, Ibrahim 22 dit qu’il a accompli le très difficile voyage vers la Grèce pour réaliser son rêve. « Tout ce que je désire, c’est apprendre à lire et à écrire… c’est ma priorité numéro un. » En Afghanistan où il vivait avec un oncle et où il travaillait dans la fonderie de celui-ci, il n’a jamais eu la chance de pouvoir aller à l’école. Et il ajoute, « la vie là-bas était difficile à cause de la guerre. Je voulais donc changer de vie ; aller ailleurs ; aller à l’école. » Il raconte qu’arriver en Grèce lui a pris plusieurs mois. Sur son chemin, il a été dévalisé, laissé sans rien à manger ou à boire des jours entiers par les passeurs qui lui ont fait faire une partie du chemin et franchi à pied plusieurs cols de montagne, toujours sans nourriture et sans eau. Assis maintenant sur un banc sur le port du Pirée, il affirme, « les choses vont bien mieux et j’espère pouvoir aller à l’école. » Quand il a été interrogé, Ahmed était en Grèce depuis quatre mois et recevait une aide d’un partenaire local de l’UNICEF, Solidarity Now, qui fournit aux réfugiés et aux migrants une aide légale qui inclut des conseils sur les procédures de demande d’asile. Interrogé sur les conseils qu’il donnerait à d’autres enfants qui pensent à faire ce voyage, il répond, « je ne conseillerai jamais à personne de faire ce que j’ai fait. Tant d’enfants meurent ou subissent de terribles blessures en chemin – je l’ai vu de mes propres yeux, Ce voyage était bien trop dangereux. »
Jannat, 7 ans, originaire de Syrie
Jannat, 7 ans, conserve de précieux souvenirs de sa ville natale assiégée. « J’adorais vivre à Homs, dit-elle. J’adorais ma grand-mère qui y habitait… elle me manque énormément. » Sa grand-mère est depuis décédée – selon la famille en raison du stress causé par les durs combats qui se sont déroulés à Homs. Mais Jannat et sa famille, qui ont d’abord fui au Liban et ensuite en Allemagne, restent optimistes. « Ce qui fait que notre famille est spéciale est que nous sommes ambitieux et que nous sommes toujours capables de voir des aspects positifs, » affirme avec un sourire Amira Raslan, la mère de Jannat. « Ma fille veut constamment, et quelles que soient les conditions, aller à l’école, avoir de bons résultats, et un jour devenir médecin. Nous croyons vraiment qu’il y a de l’espoir, en dépit de tous les problèmes, et nous pensons tous de cette façon – les enfants encore plus spécialement. Ils sont nés et ont vécu dans des conditions terribles, au milieu d’une guerre, mais … Ils n’en continuent pas moins à rêver. » Jannat, son frère jumeau, un autre frère âgé de quatre ans et leurs parents sont arrivés en Allemagne en décembre 2015 après avoir traversé la Méditerranée et les Balkans. Les parents de Jannat ont fait de leur mieux pour aider les enfants à faire face aux difficultés du voyage. « Nous avons fait de chaque endroit un endroit spécial en prenant des photos, dit Amira, et si nous passions une frontière, nous nous exclamions, ‘Fantastique ! Nous sommes arrivés en Serbie ! Une photo ! Une photo!’ »
Source : UNICEF